"Les Migrants"
Lorsque l'on parle des ”migrants”, on pourrait tout aussi bien dire ”inconnus”, on ne sait pas qui ils sont vraiment.
J'ai décidé d'aller à leur rencontre à Calais dans le bidonville appelé ”la jungle” qu'ils ont d'ailleurs renommé ”le village” car pour eux, la jungle c'est pour les animaux.
J'ai écouté leurs histoires, souvent tragiques, toujours émouvantes, ils n'avaient d'autre choix que de partir. Certains aimeraient rester en France, d'autres souhaitent se rendre en Angleterre ou en Allemagne.
Je leur ai expliqué ma démarche d'artiste, vouloir redonner une identité au terme générique ”migrants”. Plutôt que de prendre une photographie, je souhaitais saisir l'empreinte du vivant avec de la bande plâtrée et mettre un nom sur chaque moulage pour lever l'anonymat, une sorte de témoignage de leur présence à Calais en ce mois de septembre 2015.
Après avoir vu des photos de mon travail, ils ont accepté de dessiner et peindre sur de grands formats en papier que j'ai mis à leur disposition. Je leur ai promis de montrer leurs travaux dans mon exposition. Ils ont pris beaucoup de plaisir à produire des œuvres très explicites, nous avons partagé de très beaux moments.
Parmi les personnes que j'ai rencontrées, beaucoup sont fatiguées, désœuvrées, perdues, elles s'activent énergiquement à gérer l'urgence de leur situation, heure par heure. Elles rêvent toutes de vivre en paix avec leurs familles et de s'intégrer rapidement dans une société dite moderne.
C'est un peu cette transition que j'ai essayé de retranscrire dans mon travail. Le coté dramatique étant largement exploité par les médias, j'ai préféré traiter de manière plus optimiste ce passage entre leurs anciennes vies et celles dont ils rêvent. Une sorte de mue où ils quitteraient leurs anciennes peaux pour renaître et tout recommencer à zéro.
De cette mue, naissent des hommes tous de la même couleur, quelques soient leurs origines. D'une manière assez surprenante et émouvante, la couleur blanche des bustes les rend encore plus proche de nous.
Ensuite, le simple fait de mettre un nom sur chaque buste nous fait rencontrer Amir, Samer, Riaz, Zimako, Abdallah, Kamal et ”Obama” et non plus des ”migrants”.
En prolongement de cette recherche d'identité, touché et sensible à leurs souffrances et épreuves endurées, j'ai essayé d'imaginer et de représenter les traces indélébiles qu'elles ont laissées sur leurs corps et que l'on ne verra jamais.
Les bustes prennent tout d'un coup des allures de héros, combattants, guerriers, vainqueurs.
D'une certaine manière, ne le sont-ils pas ?
TRAVAIL en "DUO"
Pour réaliser cette installation, j'ai travaillé en collaboration avec
Charles-Edouard Platel, musicien compositeur.
Nous avons travaillé ensemble sur le thème de la migration, il s'est inspiré de ma peinture pour composer et je me suis inspiré de sa musique pour travailler.
Cette musique tantôt dramatique, tantôt pleine d'espoir renforce le caractère tragique de cette situation, elle fait partie intégrante de cette installation.
Cette composition musicale est disponible sous forme de CD et dure 30 minutes.
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http://charles.platel.pagesperso-orange.fr/cep/Default.htm